Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/157

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l’avait irrité. Cela l’amena à observer que, depuis la réserve de sa conduite et ses succès du mois de Marie, le grand vicaire semblait le prendre de plus haut avec lui, et ne dissimulait plus son hostilité. Cependant, les choses allèrent à merveille. L’évêque subit consciencieusement l’averse des louanges polyglottes, et y répondit de son mieux. Au dîner, l’abbé remarqua que le grand vicaire avait, à plusieurs reprises, en le regardant de ses yeux obliques, ricané avec son voisin, un gros curé dont le nez trop court disparaissait dans la bouffissure des joues : « Sans doute il se moque de moi, cette canaille-là », se dit-il. Ce ricanement l’exaspérait. Du reste, tout, autour de lui, l’exaspérait. Il éprouvait un insurmontable dégoût à se trouver en ce milieu qui ne lui avait jamais paru aussi répugnant. Ces lourdes et vulgaires faces de prêtres, aperçues, entre la rangée des candélabres et des corbeilles de fleurs, les contentements hideux de ces ventres, ces profils maigres des séminaristes déjà verdis de fiel, balançant sur de longs cous d’oiseau, des airs candides que démentaient des mâchoires de carnassier et des yeux fuyants de bêtes de proie, ce que cela dégageait pour Jules de gaieté grossière, de cynique insouciance, d’égoïsme féroce, d’appétits vils, d’ignorance abjecte et de basse intellectualité ; ces deux curés, près de lui, qui se contaient à voix basse, en retenant leurs rires baveux de sauces, de puantes histoires scatologiques, tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il entendait le mettait hors de lui ; et il avait des