Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/169

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amour !… Ce misérable moine, il a eu le rêve, il a eu l’amour !… Et l’amour et le rêve, après l’avoir dégradé, avili, sali de toutes les hontes, le tuent ignoblement… Le voilà maintenant !… Une charogne puante, dans un tas de boue !… Sur quelle déformation de la nature reposent donc les religions et les sociétés, ces mensonges ?… De quelle fiction sont donc sortis le juge et le prêtre, ces deux monstruosités morales, le juge qui veut imposer à la nature, on ne sait quelle irréelle justice, démentie par la fatalité des instincts, le prêtre, on ne sait quelle pitié baroque, devant la loi éternelle du Meurtre… La nature, ce n’est pas de rêver… c’est de vivre… Et la vie ce n’est pas d’aimer… c’est de prendre… L’idéal… L’idéal… Ils avaient raison ces gros porcs que j’insultais hier… Et moi, j’avais tort.

L’abbé haussa les épaules.

— L’idéal ! reprit-il tout haut !… attends, attends !… Je vais t’en donner de l’idéal !

Il reboutonna ses manches, secoua sa soutane, et sifflant l’air d’une chanson obscène de sa jeunesse, il partit, sans donner un dernier regard au petit coin de terre, où il venait pieusement d’ensevelir le Père Pamphile.

Jules ne voulut point rentrer dans la ville avant la fin du jour. Il s’imaginait que tout le monde connaissait le scandale de la veille, le commentait ; et il lui déplaisait s’offrir aux curiosités cancanières qui ne manqueraient point d’accompagner son passage dans