Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/176

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— Qu’est-ce cela ? demanda-t-il, derrière lui, à un gros chantre, à face bourgeonnée d’ivrogne, et qui puait le vin.

Et le chantre, d’une voix grasse :

— C’est de la paille, monsieur le curé.

— Je le vois bien que c’est de la paille… Et pourquoi cette paille ?

— C’est censément par égard pour les parents… On la met sur le cercueil, et ça fait que ça empêche le bruit de la terre, qui tombe dessus.

— Enlevez cette paille ! commanda le curé… Je ne veux pas de cette paille ici…

— Mais toutes les familles en veulent, monsieur le curé… c’est l’habitude.

— On en changera… Enlevez cette paille, je vous dis… Et vous, je vous engage à ne vous saouler, dorénavant, qu’après les offices.

Et il reprit les versets latins, sans faire attention aux chuchotements, aux murmures qui s’éparpillèrent dans la foule.

Le lendemain, à la première messe, montant en chaire, il s’expliqua ainsi, devant ses paroissiens :

« Mes frères,

« En arrivant, hier, parmi vous, j’ai constaté, avec tristesse, que vous aviez des habitudes déplorables, auxquelles je vous prie, et je vous ordonne, au besoin, de renoncer, car je vous avertis que je ne les tolérerai pas. Que signifie cette paille, étalée sur les cercueils ? La mort est un mystère auguste que je veux qu’on res-