Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/183

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résolu à ne voir personne, à borner ses relations, avec ses confrères, aux obligations strictes de son sacerdoce. Il ne les reçut pas à sa table, refusa leurs invitations, ce qui désespérait le vicaire habitué aux agapes joyeuses, où il ne disait jamais un mot, et où il prenait un plaisir énorme et silencieux. Quant aux conférences, il négligea de s’y montrer et trouva des excuses dédaigneuses, pour qu’elles n’eussent pas lieu chez lui. Une fois que le curé doyen lui reprochait cette abstention, Jules répondit :

— Je paie ma cotisation, et je vous laisse ma part du dîner. Que désirez-vous encore ?… Je n’ai point le goût ni l’estomac de ces petites pocharderies canoniques… Quand j’ai des saletés à faire, je les fais tout seul et je me cache.

Au fond, l’important était qu’il payât la cotisation. Il fut convenu, à l’un de ces dîners, qu’on le laisserait tranquille.

— Il est si aimable !

— C’est un ours mal léché.

— Un ours !… dites un bâton mère de Dieu.

Cette plaisanterie obtint un succès si colossal qu’on n’appela plus Jules, dans les presbytères, que le curé mère de Dieu.

Tel il avait été à l’évêché, tel il fut dans sa paroisse qu’il ne tarda pas à désorganiser de fond en comble. Pour vaincre l’ennui, il s’amusa à révoquer les chantres, le bedeau, le suisse, le sacristain. Jusques aux enfants de chœur, il renouvela tout le personnel de