Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/28

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nait à l’audience. Un jour, au père Provost, qui s’embarrassait dans une explication, il dit :

— Mon tère Trovost, vous vous endrouillez, vous vous endrouillez.

À quoi le bonhomme avait répondu, tout rougissant :

— Quoi qu’m’chantez là, mossieu l’juge ?… C’est-y des saloperies ?

Cela ne nuisait du reste en rien à son prestige établi de magistrat considérable et d’homme du monde accompli. Il avait même, parmi les plaideurs mécontents, l’honneur d’un sobriquet : on l’appelait le juge Lendrouille.

Quelquefois, M. Robin venait me chercher pour l’accompagner en ses promenades. Et nous allions par les routes. Brusquement, il s’arrêtait, soufflait un instant, et, le buste renversé en arrière, la figure de trois quarts, le geste dominateur, il s’essayait à des éloquences futures.

— Et, Messieurs, clamait-il, que dire de ce jeune homme, élevé chrétiennement tar une famille tieuse, et que les tassions dasses du tlaisir et de l’amdition, ont conduit, jusque sur ce danc d’infamie ?… Oui, Messieurs…

Il s’animait, invoquait la justice, adjurait la loi, prenait Dieu à témoin. Ses bras tournaient sur le ciel, incohérents et rapides, comme des ailes de moulin à vent…

— Oui, Messieurs, la société moderne, dont les dases fondamentales…