Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/47

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digieux de l’ordre social. Et Jules s’amusait, devant sa mère, à exprimer des opinions effroyables qui arrachaient à l’infortunée veuve cette douloureuse exclamation :

— Mon Dieu ! Est-il possible que ce soit là mon fils ?

Un jour que, sérieusement, elle songeait à l’embarquer, ou à l’envoyer dans une maison de correction, Jules lui déclara qu’il voulait se faire prêtre. Elle poussa un cri, leva les yeux au ciel, se couvrit le visage de ses mains, comme si elle venait d’entendre un odieux blasphème.

— Sainte Vierge !… Prêtre, toi !… Un garnement comme toi !… Mais c’est offenser le bon Dieu que de dire des choses pareilles !…

— Je veux me faire prêtre, répéta Jules résolument… Et puis voilà tout !

Il s’entêta, tempêta, s’encoléra, menaça.

— Je veux me faire prêtre, nom de Dieu !… Prêtre, sacré nom de Dieu !

Et la mère s’évanouit, en disant :

— Ah ! j’ai donné le jour à l’Antéchrist !… Pardonnez-moi, Seigneur.

On consulta le curé, et le curé ne vit, dans cette vocation extraordinaire et si extraordinairement exprimée, qu’une grâce soudaine du ciel, un miracle… Il en eut une joie débordante.

— C’est un miracle !… un grand miracle. Dimanche, au prône, je le ferai savoir à toute la paroisse !… Ah ! quel miracle !