Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/49

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paraître ?… Les idées condamnables, affichées avec fanfaronnade, peut-être n’existaient-elles qu’à la surface de sa nature, comme un masque, et peut-être gardait-il, au fond de son cœur, l’impérissable germe des éducations chrétiennes ?

On ne le sut pas, car Jules demeura, toute sa vie, une indéchiffrable énigme.

Cependant, les années qu’il passa au séminaire marquèrent, dans son existence, une phase nouvelle d’énergiques efforts vers le bien, et d’ardente lutte contre soi-même. Soit ambition de parvenir à quelque haute dignité ecclésiastique, soit repentance ou réflexion, il s’acharna à dompter sa nature révoltée, tenta de l’assouplir aux écœurements de la discipline, aux effacements de l’humilité, non point par la prière, et la passive observance des pratiques pieuses, comme font les faibles, mais par un raidissement en quelque sorte musculaire de sa volonté, par une tension pour ainsi dire physique de toutes ses facultés intellectuelles. Hélas ! en dépit de son courage, il avait de violents retours au mal, une poussée de ses instincts mauvais, si soudaine et si formidable, qu’elle culbutait, en une minute, tous les travaux de défense, lentement, durement édifiés par lui contre lui. Et c’était à recommencer. Ce combat persistant de l’esprit et du corps, cette contraction nerveuse et morale qu’il s’imposait, empêchèrent Jules de se façonner aux manières ambiantes, d’acquérir ce qu’on appelle l’air de la maison. Bien au contraire, sa grande carcasse dégingan-