Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son audace, qui ne reculait devant aucune extravagance, eut bien vite raison des intrigues et des intrigants. Les ruses de l’esprit ecclésiastique, les haines subtiles et retorses du prêtre, échouèrent piteusement devant les fantaisies énormes et brutales du mystificateur. Un soir de grande réunion à l’évêché, il aborda l’archiprêtre, qui avait affecté de ne pas lui adresser la parole, et l’entraîna dans une embrasure de fenêtre.

— Pourquoi me regardez-vous ainsi ? lui demanda-t-il… Comment se peut-il que vous me regardiez ainsi ?

— Mais je ne vous regarde pas ainsi, mon cher abbé, répondit le gros curé, qui prit un air railleur… Je… je… je ne vous regarde pas du tout.

— Eh bien ! vous avez tort, affirma Jules… vous avez tort, je vous assure… parce que… parce que… je pourrais… je devrais… vous en conviendrez vous-même… je devrais, pour l’honneur de l’Église, pour ma conscience, pour mon plaisir… Ha ! ha ! ha !… Cela vous surprend, n’est-ce pas ?… Vous ne me regardez plus ainsi… vous me regardez, si je puis dire, vous me regardez tout à fait ?…

L’archiprêtre haussa les épaules et dit d’une voix traînante :

— Je vous regarde, je ne vous regarde pas… Après ?… Quel est ce galimatias ?

— Ce galimatias ?… vous allez voir, reprit Jules… J’ai les preuves, mon cher monsieur le curé, les preuves… Elles sont dans un tiroir, cachées, à l’a-