Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/74

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tait à son secrétaire le courrier non encore décacheté — ainsi le voulait Jules — et le soir, il signait la correspondance, les pièces administratives, sans avoir l’indiscrétion de les parcourir.

— Faut-il que j’aie confiance en vous, mon cher enfant ! soupirait-il en les lui rendant.

— Eh bien ! quoi ? répondait Jules durement… Croyez-vous par hasard que je vous ferais signer des lettres d’amour ?… ou bien des traites ?

— Voyons, voyons ! calmait le prélat qui, détournant la conversation, et avec un air de s’apitoyer, murmurait :

— Que de paperasses ! mon Dieu, que de paperasses !… Comme vous devez être accablé !… Rien de grave, du reste ?… Rien de nouveau ?

— Rien, répondait Jules… le courant.

— Bon, bon !… Et cette affaire… comment donc ?… cette affaire du curé Legay, je crois, où en est-elle ?

— Qui vous a parlé de cela ?… Le grand vicaire, sans doute ?… Il est venu encore se plaindre à vous, vous débiter ses mensonges habituels ? Vous conspirez avec mes ennemis, avec les vôtres, contre moi ?… Il est propre, votre diocèse, il est joli !… Ah ! vous pouvez vous vanter d’avoir un joli diocèse !

— Mon cher abbé, je vous en prie, ne vous fâchez pas… Je vous demandais cela, mon Dieu !… sans y attacher la moindre importance, la plus légère idée de blâme… Un simple renseignement, je vous assure… une curiosité… voyons, bien naturelle.