Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/89

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jours la clé sur lui, et, vite, il monta à sa chambre. Il avait hâte de se trouver entre des murs protecteurs, environné d’objets familiers, loin de cet effrayant ciel et de ces horizons maudits. Et puis ses jambes tremblaient, la force abandonnait son corps. Il s’assit sur le lit en poussant un soupir de délivrance. Mais l’obscurité, bientôt, lui parut terrible, peuplée des mêmes images et des mêmes fantômes que là-bas. Ayant allumé la lampe, il eut l’idée de se considérer dans une glace, et il fut épouvanté de ce qu’elle lui renvoya : un visage bouleversé, des brins d’herbe dans les cheveux, une soutane boueuse, poissée de saletés puantes. En vain il chercha son rabat, qu’il avait sans doute perdu dans la sente en se colletant avec la paysanne.

— Abjection de la chair ! s’écria-t-il. Indomptable pourriture ! Cochon ! Cochon ! Cochon !

Il eût voulu se battre, se supplicier, rêva de cilices, de tourments, de lanières qui font voler, au sifflement de leurs pointes d’acier, le sang des saints et la chair des martyrs. Il parlait tout haut :

— Mais quelle ordure est en moi ? Ma mère m’a-t-elle donc allaité avec des excréments ?

Se prenant à la gorge, il hurlait :

— Je n’aurai donc jamais raison de toi, carcasse ignoble !

Ensuite il se frappait la poitrine à grands coups de poing.

— Je ne te crèverai donc point, cœur de boue, outre d’immondices !