Page:Mirbeau - La Nuit d’avril, paru dans l’Écho de Paris, 14 avril 1891.djvu/5

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ta ta et ra ra ra ! C’était le beau temps !… On s’amusait alors !… C’était le temps où on avait de l’esprit !.. Le temps où les femmes savaient causer !… Caroline Letenier, Adèle Courtois !… Cette vieille Adèle !…Tu ne l’as pas connue, non plus, cette vieille Adèle !… Mais tu ne connais rien, toi… Elle demeurait rue Saint-Georges, et le soir, quand il y avait de la lumière à ses fenêtres, on montait, et on causait !… Et pa, et ra ! et ra ta pla ! Maintenant, il n’y a plus d’esprit, il n’y a plus de femmes, il n’y a plus rien… La France s’embête !… Et sais-tu pourquoi elle s’embête, la France !… Parce qu’elle est baudelairisée, flaubertisée, goncourtisée, wagnerisée… Elle est la proie des poètes, des philosophes et des savants, et des musiciens !… Si le pauvre Jacques revenait !… (Il s’attriste. Durant quelques minutes, ses souvenirs vont de Schneider à Christian, de Christian à Léonce, de Léonce à Berthelier… Il revoit les premières de la « Belle Hélène », de la « Grande Duchesse », de « Barbe-Bleue ». Et il compare le passé au présent. Tout cela a disparu. L’archet d’Offenbach est silencieux, le siècle morne. Haut.) La France est fichue. En France, il n’y a plus que moi de gai… que moi et Gandillot. Ah ! si Gandillot voulait en