Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/103

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— Allez chercher les gendarmes !

La foule grossissait, et ce mot : « Il est fou ! » circulait, bondissait, de bouche en bouche. Les nouveaux survenants demandèrent :

— Mais qui est fou ?…

— Vous ne voyez donc pas… Il bave, ses yeux se tournent ?…

— Qui ?… Qui ?… Quoi ?… Est-ce un chien ?

— M. Rodiguet, on vous dit !… M. Rodiguet est fou !

— M. Rodiguet !… M. Rodiguet !…

— Ah ! ben !… En voilà une histoire !

— N’approchez pas !…

Pour la cinquième fois, M. Rodiguet, en tordant ses bras :

— Ah ! mon Dieu !… Ah ! mon Dieu !… Mes bons amis… mes bons… mes chers…

Et il s’abattit, dans le demi-cercle étroit formé par la foule, qui recula, d’instinct, épouvantée.

Il y eut un cri d’horreur, puis un silence.

M. Rodiguet, sur le sol, gisait, inerte, les deux bras en avant, ses jambes contre la marche de la maison, les pieds en l’air.

Une voix dit :

— Est-ce qu’il est mort ?

Une autre répondit :

— On dirait qu’il est mort.