Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Elles grattaient les semis de pin.

— Pourquoi m’as-tu fait chasser du château ?… J’y gagnais ma vie, honnêtement…

— Pourquoi braconnais-tu ?

— Tu mens ! Tu mens !

Dans l’ombre de la maison, la voix de femme, de plus en plus colère, souligne toutes les répliques du garde, par ces mots :

— Canaille !… Canaille !… Assassin !…

Mais le garde ne s’émeut pas.

— Fais attention à toi, Polonais… Car, cette fois, on ne te ménagera pas…

— Fais attention à toi, plutôt… affameur des pauvres gens… parce que… Oui… j’en ai assez de crever la faim, à cause de vous tous… Vous m’avez tout pris… Et crever pour crever !…

Alors, le garde, très calme, dit :

— Je ne te crains pas… et je ne suis pas méchant pour toi, puisque je t’avertis… À toi de voir la chose… Je m’en vais…

Et, remontant sur l’épaule, d’un coup de reins, sa carnassière, il saute, légèrement, sur la route, et s’en va, sans retourner la tête.

Le soleil décline, s’enfonce derrière les massifs plus sombres de la forêt.

Le Polonais se remet à son travail, maugréant :

— J’en ai assez… On a trop de misère… Crever pour crever !…