Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/135

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ce fut Mme Pasquain qui activa les négociations, et pourtant, ce n’était pas son habitude d’activer les négociations. D’ordinaire, elle manquait de décision en toutes choses ; elle ne pouvait se résoudre à prendre un parti, même dans les actes les plus répétés de la vie de ménage ; et pour changer une table de place, pour l’achat d’une robe, d’un paquet de navets, d’une pelote de fil, elle n’aboutissait à un résultat que talonnée par la nécessité. Et c’étaient des froncements de sourcils, des soupirs, des « si j’avais su ! » qui n’en finissaient pas.

Mais la maison lui plaisait. Elle avait vu comment elle pourrait l’aménager et voulait y entrer tout de suite.

L’affaire terminée, l’acte de vente signé, Mme Pasquain fut comme écrasée de sa hardiesse. Non, cela n’était pas possible !… Cette résolution irréparable, qui coupait court aux réflexions, aux objections, aux hésitations, aux mais, aux si, aux car, lui parut une surprise violente, une criminelle effraction de sa volonté, quelque chose comme une catastrophe terrible, soudaine, à laquelle il était impossible de s’attendre. Et, sans cesse, elle gémissait :

— Une si grande maison !… Et peut-être de l’humidité !… Et les serrures qui ne marchent pas !… Et tant de terrain !… Jamais je