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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/15

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lièrement ; et, quand il était gris, jamais il ne querellait ni ne bataillait, ainsi que font tant d’ivrognes qui ne savent pas vivre. Bien au contraire, il n’y avait pas, dans le monde, de drôleries qu’il ne débitât, de sottises amusantes et spirituelles qu’il ne fût capable d’exécuter. Les gamins, les petits maraudeurs qui s’en vont, la nuit, voler des poires dans les vergers, et que la vue d’un tricorne met ordinairement en fuite, suivaient le gendarme dans les rues, glapissant et battant des mains :

— Hé ! Barjeot !… C’est Barjeot… V’là Barjeot !…

Quelquefois même, ils accrochaient à sa tunique, par derrière, une longue corde, au bout de laquelle ils avaient attaché un chat crevé ou quelque autre objet bizarre et malpropre.

— Hé ! Barjeot !

Les gens se mettaient sur le pas des portes, riaient, applaudissaient, criaient aussi :

— Hé, Barjeot !

Le prestige de la gendarmerie se trouvait bien un peu diminué par toutes les frasques de Barjeot, mais il était si bon enfant, si peu gendarme, « ce sacré lascar de Barjeot », qu’on n’y faisait point attention.

— Hé ! Barjeot !