La gendarmerie était située à l’extrémité du bourg, au fond d’un vaste jardin, en pleine campagne ; une belle maison carrée, en brique, avec un toit très haut et moussu. Au milieu de la façade, emmanché d’une hampe fine, flottait le drapeau tricolore, un drapeau de fer-blanc, délavé par la pluie, qui rendait des sons aigres et grinçants de girouette chaque fois que passait un coup de vent. Le jardin se divisait en cinq carrés, affectés chacun à chacun des cinq gendarmes. Naturellement, le brigadier, M. Luton, s’était réservé pour lui le plus grand et le meilleur, par droit de supériorité, et Barjeot, qui se moquait bien des légumes, lui avait, par surcroît, cédé le sien. D’où il résultait que Barjeot était notoirement protégé par Luton, et que Luton, outre sa consommation personnelle, trouvait encore le moyen de faire vendre par sa femme des choux, des salades et des carottes, le lundi, au marché.
Toute la journée, après le pansage des chevaux, les gendarmes, coiffés de leur képi bleu et vêtus de tricots de laine rouge, sarclaient, binaient, plantaient, arrosaient, taillaient leurs arbres. Souvent l’été, vers le soir, avant le coucher du soleil, M. Luton se reposait sous