Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/164

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Il fallut bien me résigner. Durant un mois, tous les jours, je piochai douloureusement mon tambour, tantôt sous la présidence de mon père, tantôt sous celle de M. Martinot qui, l’un et l’autre, de la voix et du geste, encourageaient mes efforts.

Le grand jour arriva enfin. Il y avait dans la petite ville une animation insolite et fiévreuse. Les rues étaient pavoisées, les chaussées et les trottoirs jonchés de fleurs. D’immenses arcs de verdure, reliés par des allées de sapins, donnaient au ciel, à l’horizon, aux maisons, à toute la nature, d’impressionnants aspects de mystère, de triomphe et de joie.

À l’heure dite, le cortège s’ébranla, moi en tête, avec le tambour battant sur mes cuisses. J’étais bizarrement harnaché d’une sorte de caban dont le capuchon se doublait de laine rouge : une fantaisie décorative de M. Martinot, lequel pensait que le caban avait quelque chose de militaire et s’harmonisait avec le tambour. Il pleuvait un peu, le ciel était gris.

— Allons, mon petit Georges, me dit M. Martinot… du nerf… de la précision, et de l’éloquence !… Plan, plan !… Plan, plan !…

À partir de ce moment, je n’ai plus de