Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/179

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nilles, fit le geste de s’en emparer… Mais le cocher, s’étant retourné à ce moment précis, poussa un grand cri :

— Au voleur !… Au voleur !…

La foule, en extase devant la vitrine, s’était aussi retournée à ce cri… Subitement, toutes les faces s’étaient crispées, une lueur d’hébétude farouche ; et presque d’épouvante, dans les yeux…

— Quoi ?… quoi ?… hurla la foule…

Le cocher, terrible, la bouche mauvaise, répéta :

— Au voleur !… Au voleur !…

Quelqu’un demanda, en montrant le poing :

— Quel voleur ?

— Où est le voleur ?… fit un autre, dont les yeux arrondis exprimaient la haine et la peur.

Tous se mirent en état de défense, et, tous, d’une même voix unie et fraternelle, crièrent :

— Où est le voleur ?

— Là !… Là !… C’est lui !…, indiqua le cocher.

Et, du bout de son fouet, il toucha la face décharnée du mendiant.

Aussitôt, celui-ci fut entouré, cerné. Quarante poings se levèrent sur lui… Vingt bouches lui jetèrent, comme un vomissement, l’injure au visage :

— Il a volé !… Il a volé !…