Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/182

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— À la prison !… commanda le commissaire.

— Oui !… oui !… à la prison !… Tapez dessus !…

— Arrachez-lui les cheveux !…

— La peau !…

— Cassez-lui la gueule !…

La dame avait tout compris… Elle dit :

— Pardon, monsieur le commissaire… Cela n’est pas grave… cela n’est rien… Puisque j’ai mon sac, je n’exige pas que vous emmeniez ce pauvre homme en prison !…

La foule commença de murmurer… Des oh ! oh !… des ah ! ah !… se firent entendre, çà et là…

— Impossible autrement, madame… expliqua le commissaire… Il faut un exemple… pour le bon renom de la ville…

— Il ne s’agit pas du bon renom de la ville, monsieur… Je ne suis pas lésée. Je ne porte aucune plainte… Je vous demande de relâcher cet homme.

Le commissaire s’obstina :

— La loi !… madame… la ville… le respect… mon devoir… comme magistrat… comme habitant…

— Relâchez cet homme !…

Les grondements s’accentuèrent parmi la foule… Des regards étonnés d’abord… puis des regards furieux… puis des regards pleins de haine se dirigèrent vers elle… Elle ne les vit pas… Quelques paroles malsonnantes… injurieuses,