Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

proche de quelque chose d’horrible, d’inconnu ; puis l’enveloppement sur moi, l’enroulement sur tous mes membres, d’une bête atroce. Je me débattis violemment… Je repoussai la bête qui semblait multiplier ses tentacules à chaque seconde ; je la repoussai des dents, des ongles, des coudes, de toute la force décuplée par l’horreur.

— Non… non… je ne veux pas… criai-je… Ma cousine, je ne veux pas… je ne veux pas…

— Mais tais-toi donc !… tais-toi, petit monstre ! râlait ma cousine dont les lèvres roulaient sur mes lèvres.

— Non ! cessez, ma cousine… cessez… ou j’appelle maman…

L’étreinte mollit, quitta ma poitrine, mes jambes… Les tentacules rentrèrent dans leur gaine… Mes lèvres délivrées purent aspirer une bouffée d’air frais… Et, entre les branches, je vis ma cousine fuyant, à travers les plates-bandes, vers la maison…

Je n’osai rentrer que le soir, à l’heure du dîner, inquiet, à l’idée de revoir ma cousine.

— Ta cousine est partie, me dit mon père, le front soucieux. Elle a eu une discussion avec Mariette. Je la connais. Cette fois, elle ne reviendra plus. C’est embêtant !

Le dîner fut silencieux et morose. Chacun