Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/283

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le dépôt sacré du germe, dont il doit un compte sévère à l’Espèce.

Je tentai d’amener Jeanne à la compréhension de la vie sexuelle. Je lui montrai la nature tout entière pâmée pour le divin aiguillon du désir. Je lui expliquai l’instinct qui pousse le mâle vers la femelle, et qui les accouple et qui les complète, éternel vainqueur de la mort. Elle ne fit que hausser les épaules. Je lui dis :

— De même que les abeilles et les papillons fuient les fleurs stériles, de même Dieu se détourne des créatures qui n’ont point été réjouies dans leur sexe. Elles sont maudites.

— Oh ! ne mêlez point Dieu à ces saletés-là ! fit-elle.

Alors, je tentai d’exalter ses sens par la représentation d’images voluptueuses, par des lectures passionnées si puissantes sur l’esprit des femmes. J’eus recours aux caresses les plus étranges, aux baisers les plus savants. Elle resta de marbre, étonnée de ces manœuvres pour lesquelles elle manifestait plus de mépris que de dégoût. Elle ne s’en trouvait pas souillée dans son âme, dans sa chair, car elle était sans pudeur ; elle s’en trouvait — comment dire ? — ridiculisée… Un jour que je mettais à la convaincre une frénésie presque ordurière, elle éclata, tout d’un coup, d’un rire nerveux, d’un