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Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/29

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franchement, de me voir ici ? dit-elle, subitement honteuse, et en jouant, d’un air embarrassé, avec les franges de son fauteuil. Mais qu’est-ce que vous voulez ! On ne fait pas toujours ce qu’on voudrait dans la vie… Tenez, il faut que je vous dise…

Elle se tourna, se retourna sur son fauteuil et, la figure grave, la voix légèrement émue, elle parla ainsi :

— À la mort de mon mari, je me trouvai ruinée. Nous avions payé pas mal de dettes pour Charles, puis mon mari s’était lancé dans des opérations de théâtre où nos économies avaient sombré complètement. Vous comprenez, Piédanat, absorbé par son art et toujours sorti, ne s’occupait ni de Charles, ni de moi, ni de ses affaires, et tout le monde – car il était très naïf au fond, – le trompait et le dupait. Vous jugez de ma situation. Mes affaires liquidées et mes meubles vendus, il ne me resta rien, rien, rien… pas ça. Comment vivre, une femme toute seule ? Impossible de compter sur Charles, qui avait essayé de tout : bourse, journalisme, administration, et n’avait réussi en rien… Ah ! j’en ai connu de la misère, je vous assure…

Pendant qu’elle parlait, j’examinais la triste vieille femme, sa face énorme, toute blanche et molle, et son triple menton qui s’arrondis-