Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/170

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— Toi aussi, disait-elle, essaye, mon chéri…

Elle examinait chaque meuble, palpait les tentures, faisait jouer les cordons de tirage des portières, déplaçait une chaise, rectifiait le pli d’une étoffe. Et c’étaient, à tous les moments, des cris d’admiration, des extases !

Elle voulut recommencer l’examen de l’appartement, les fenêtres closes, afin de se rendre compte de l’effet, aux lumières, ne se lassant jamais de regarder le même objet, courant d’une pièce dans l’autre, notant sur un bout de papier les choses qui manquaient… Ensuite ce furent les armoires où elle rangea son linge, le mien, avec un soin méticuleux, des raffinements compliqués, l’adresse d’une étalagiste consommée. Je la grondais, parce qu’elle gardait les meilleurs sachets pour moi…

— Non ! non ! non !… je veux avoir un petit homme qui embaume.

De ses anciens meubles, de ses bibelots, Juliette n’avait conservé que l’Amour en terre cuite, qui reprit sa place d’honneur sur la cheminée du salon ; moi, je n’avais apporté que mes livres et deux très belles études de Lirat, que je m’étais mis en devoir d’accrocher dans mon bureau. Juliette poussa des cris, scandalisée.

— Que fais-tu là, mon chéri ?… Des horreurs pareilles dans un appartement tout neuf !… Je t’en prie, cache ces horreurs-là !… Oh ! cache-les…

— Ma chère Juliette, répondis-je, un peu piqué, tu as bien ton Amour en terre cuite ?