Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/187

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d’y porter la main, de la labourer avec mes doigts, d’en faire jaillir du sang.

— Juliette ! criai-je.

Et mes doigts crispés, écartés, crochus comme des serres, s’avançaient, malgré moi, prêts à s’abattre sur cette nuque, impatients de la déchirer.

— Juliette !

Juliette retourna légèrement la tête, me regarda avec mépris, sans terreur.

— Que veux-tu ? me dit-elle.

— Ce que je veux ?… Ce que je veux ?…

J’allais proférer des menaces… Je m’étais levé, à demi, hors des draps, je gesticulais… Et, tout à coup, ma colère tomba… Je me rapprochai de Juliette, me blottis contre elle, tout honteux, et baisant cette belle nuque parfumée :

— Ce que je veux, ma chérie, c’est que tu sois heureuse… Que tu reçoives tes amis… C’était si bête ce que j’exigeais de toi !… N’es-tu donc pas la meilleure des femmes… Ne m’aimes-tu pas ?… Ah ! je n’aurai plus d’autre volonté que la tienne, je te le promets !… Et tu verras comme je serai gentil avec eux… Tiens… pourquoi n’inviterais-tu pas Gabrielle à dîner ?… Et Jesselin aussi ?…

— Non ! non !… Tu dis cela maintenant, et demain tu me le reprocherais… Non, non !… Je ne veux pas t’imposer des gens que tu détestes… Des sales filles, et des crétins !…

— Je ne sais où j’avais la tête… Je ne les déteste