Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/243

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— Eh bien, venez !

— Je partirai demain, je vous le jure !

— Demain ?… Ah ! demain ! Elle va rentrer, n’est-ce pas ?… Et vous vous jetterez dans ses bras… Non, venez !

— Laissez-moi lui écrire !… Je ne peux pourtant pas la quitter comme ça, sans un mot, sans un adieu… Lirat, songez donc !… Malgré les souffrances, malgré les hontes, il y a des souvenirs heureux, des heures bénies… Elle n’est pas méchante… elle ne sait pas, voilà tout… mais elle m’aime… Je m’en irai, je vous promets que je m’en irai… Accordez-moi un jour… un seul jour !… Ce n’est pas beaucoup, un jour, puisque je ne la reverrai plus ! Ah ! un seul jour !

— Non, venez !

— Lirat !… mon bon Lirat !…

— Non !…

— Mais je n’ai pas d’argent !… Comment, voulez-vous que je parte, sans argent ?

— Il m’en reste assez pour votre voyage… Je vous en enverrai là-bas… Venez !

— Que je fasse une valise au moins !

— J’ai des tricots de laine et des bérets… ce qu’il vous faut… Venez !

Il m’entraîna. Sans rien voir, presque sans comprendre, je traversai l’appartement, me butant aux meubles… Je ne souffrais pas, car je n’avais conscience de rien ; je marchais derrière Lirat de ce pas