Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/99

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peintre, son ton d’amère hostilité me choquèrent vivement, je lui en voulais de cette impolitesse affectée, de ce parti pris de grossièreté gamine qui le diminuaient à mes yeux, il me semblait. J’étais mécontent et très gêné. J’essayai de parler de choses indifférentes ; il ne me vint à l’esprit aucune idée de conversation.

La jeune femme s’était levée. Elle fit quelques pas dans l’atelier, s’arrêta devant les études entassées l’une sur l’autre, en examina deux ou trois d’un air de dégoût.

— Mon Dieu ! monsieur Lirat, dit-elle, pourquoi vous obstinez-vous à peindre des femmes aussi laides, aussi drôlement bâties ?

— Si je vous le disais, répliqua Lirat, vous ne comprendriez pas.

— Merci !… Et quand faites-vous mon portrait ?

— Il faut demander ça à M. Jacquet, ou bien au photographe.

— Monsieur Lirat ?

— Madame !

— Savez-vous pourquoi je suis venue ?

— Pour me débiter des tendresses, je suppose.

— D’abord !… Et puis ?

— Alors nous jouons aux petits jeux innocents ? C’est fort délicat.

— Pour vous prier de venir dîner, chez moi, vendredi. Voulez-vous ?

— Vous êtes très aimable, chère madame. Mais,