Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/105

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Et, en regardant la mer, moi aussi, je songeais :

— Tant que j’ai été pour elle un homme régulier, elle ne m’a pas aimé… elle ne m’a pas désiré… Mais de la minute où elle a compris qui j’étais, où elle a respiré la véritable et impure odeur de mon âme, l’amour est entré en elle — car elle m’aime !… Allons !… allons !… Il n’y a donc de vrai que le mal !…

Le soir était venu, puis, sans crépuscule, la nuit. Une douceur inexprimable circulait dans l’air. Le navire naviguait dans un bouillonnement d’écume phosphoreuse. De grandes clartés effleuraient la mer… Et l’on eût dit que des fées se levaient de la mer, étendaient sur la mer de longs manteaux de feu, et secouaient et jetaient, à pleines mains, dans la mer, des perles d’or.