Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/114

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Personne ne faisait attention à nous… Clara me demanda, sur un ton d’impérieuse tendresse :

— Voyons ! qu’allez-vous devenir ?

— Je ne sais pas ! Et qu’importe ?… J’étais perdu… Je vous ai rencontrée… Vous m’avez retenu quelques jours, au bord du gouffre… J’y retombe, maintenant… C’était fatal !…

— Pourquoi, fatal ?… Vous êtes un enfant !… Et vous n’avez pas confiance en moi… Croyez-vous donc que c’est par hasard que vous m’avez rencontrée ?…

Elle ajouta, après un silence :

— C’est si simple !… J’ai de puissants amis en Chine… Ils pourraient, sans doute, beaucoup pour vous !… Voulez-vous que ?…

Je ne lui laissai pas le temps d’achever :

— Non, pas ça !… suppliai-je, en me défendant mollement, d’ailleurs… surtout, pas ça !… Je vous comprends… Ne me dites plus rien.

— Vous êtes un enfant, répéta Clara… Et vous parlez comme en Europe, cher petit cœur… Et vous avez de stupides scrupules, comme en Europe… En Chine, la vie est libre, heureuse, totale, sans conventions,