Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/115

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sans préjugés, sans lois… pour nous, du moins… Pas d’autres limites à la liberté que soi-même… à l’amour que la variété triomphante de son désir… L’Europe et sa civilisation hypocrite, barbare, c’est le mensonge… Qu’y faites-vous autre chose que de mentir, de mentir à vous-même et aux autres, de mentir à tout ce que, dans le fond de votre âme, vous reconnaissez être la vérité ?… Vous êtes obligé de feindre un respect extérieur pour des personnes, des institutions que vous trouvez absurdes… Vous demeurez lâchement attaché à des conventions morales ou sociales que vous méprisez, que vous condamnez, que vous savez manquer de tout fondement… C’est cette contradiction permanente entre vos idées, vos désirs et toutes les formes mortes, tous les vains simulacres de votre civilisation, qui vous rend tristes, troublés, déséquilibrés… Dans ce conflit intolérable, vous perdez toute joie de vivre, toute sensation de personnalité… parce que, à chaque minute, on comprime, on empêche, on arrête le libre jeu de vos forces… Voilà la plaie empoisonnée, mortelle, du monde civilisé… Chez nous, rien de pareil… vous verrez !… Je possède