Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/12

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De retour à Paris, fermement résolu à faire un éclat, au risque de tout perdre, j’exigeai des explications du ministre que mon attitude rendit aussitôt accommodant et souple…

— Mon cher, me dit-il, je suis au regret de ce qui t’arrive… Parole !… tu m’en vois tout ce qu’il y a de plus désolé. Mais que pouvais-je ?… Je ne suis pas le seul, dans le Cabinet… et…

— Je ne connais que toi ! interrompis-je violemment, en faisant sauter une pile de dossiers qui se trouvait, sur son bureau, à portée de main… Les autres ne me regardent pas… Les autres, ça n’est pas mon affaire… Il n’y a que toi… Tu m’as trahi ; c’est ignoble !…

— Mais, sapristi !… Écoute-moi un peu, voyons ! supplia le ministre. Et ne t’emporte pas, comme ça, avant de savoir…

— Je ne sais qu’une chose, et elle me suffit. Tu t’es payé ma tête… Eh bien, non, non ! Ça ne se passera pas comme tu le crois… À mon tour, maintenant.

Je marchais dans le bureau, proférant des menaces, distribuant des bourrades aux chaises…

— Ah ! ah ! tu t’es payé ma tête !… Nous