Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/13

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allons donc rire un peu… Le pays saura donc, enfin, ce que c’est qu’un ministre… Au risque de l’empoisonner, le pays, je vais donc lui montrer, lui ouvrir toute grande l’âme d’un ministre… Imbécile !… Tu n’as donc pas compris que je te tiens, toi, ta fortune, tes secrets, ton portefeuille !… Ah ! mon passé te gêne ?… Il gêne ta pudeur et la pudeur de Marianne ?… Eh bien, attends !… Demain, oui, demain, on saura tout…

Je suffoquais de colère. Le ministre essaya de me calmer, me prit par le bras, m’attira doucement vers le fauteuil que je venais de quitter en bourrasque…

— Mais, tais-toi donc ! me dit-il, en donnant à sa voix des intonations supplicatrices… Écoute-moi, je t’en prie !… Assieds-toi, voyons !… Diable d’homme qui ne veut rien entendre ! Tiens, voici ce qui s’est passé…

Très vite, en phrases courtes, hachées, tremblantes, il débita :

— Nous ne connaissions pas ton concurrent… Il s’est révélé, dans la lutte, comme un homme très fort… comme un véritable homme d’État !… Tu sais combien est res-