Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/133

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les paroles magiques et ressuscitent les morts, se déclarèrent impuissants… On ne guérit jamais de ce mal, mais on n’en meurt pas non plus… C’est affreux !… Alors elle se tua… Quelques gouttes de poison, et ce fut fini de la plus belle des femmes.

L’épouvante me clouait les lèvres. Je regardai Clara, sans avoir l’idée d’une seule parole.

— J’ai appris de cette Chinoise, continua Clara, un détail vraiment curieux… et qui m’enchante… Vous savez combien Annie aimait les perles… Elle en possédait d’incomparables… les plus merveilleuses, je crois, qui fussent au monde… Vous vous souvenez aussi avec quelle sorte de joie physique, de spasme charnel, elle s’en parait… Eh bien, malade, cette passion lui était devenue une folie… une fureur… comme l’amour !… Toute la journée, elle se plaisait à les toucher, à les caresser, à les baiser ; elle s’en faisait des coussins, des colliers, des pèlerines, des manteaux… Mais il arriva cette chose extraordinaire ; les perles mouraient sur sa peau… elles se ternissaient d’abord, peu à peu… peu à peu s’éteignaient… aucune lumière ne se reflétait plus en leur orient…