Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/16

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II


Qu’on me permette encore un retour en arrière. Peut-être n’est-il pas indifférent que je dise qui je suis et d’où je viens… L’ironie de ma destinée en sera mieux expliquée ainsi.


Je suis né en province d’une famille de la petite bourgeoisie, de cette brave petite bourgeoisie, économe et vertueuse, dont on nous apprend, dans les discours officiels, qu’elle est la vraie France… Eh bien ! je n’en suis pas plus fier pour cela.

Mon père était marchand de grains. C’était un homme très rude, mal dégrossi et qui s’entendait aux affaires, merveilleusement. Il avait la réputation d’y être fort habile, et sa grande habileté consistait à « mettre les gens