Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/161

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Tout à coup, elle s’interrompit et me demanda :

— Mais, pourquoi me dis-tu cela ?… Es-tu drôle !…

Et, avec une moue charmante, elle ajouta :

— Est-ce ennuyeux que tu ne comprennes rien !… Comment ne sens-tu pas ?… comment n’as-tu pas encore senti que c’est, je ne dis pas même dans l’amour, mais dans la luxure, qui est la perfection de l’amour, que toutes les facultés cérébrales de l’homme se révèlent et s’aiguisent… que c’est par la luxure, seule, que tu atteins au développement total de la personnalité ?… Voyons… dans l’acte d’amour, n’as-tu donc jamais songé, par exemple, à commettre un beau crime ?… c’est-à-dire à élever ton individu au-dessus de tout, enfin ?… Et si tu n’y as pas songé, alors, pourquoi fais-tu l’amour ?…

— Je n’ai pas la force de discuter, balbutiai-je… Et il me semble que je marche dans un cauchemar… Ce soleil… cette foule… ces odeurs… et tes yeux… ah ! tes yeux de supplice et de volupté… et ta voix… et ton