Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/178

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— Je ne sais pas, moi… Aucun, peut-être, ou peu de chose, sans doute… De menus vols chez des marchands, je suppose… D’ailleurs, ce ne sont que des gens du peuple… des rôdeurs du port… des vagabonds… des pauvres !… Ils ne m’intéressent pas beaucoup… Mais il y en a d’autres… Tu vas voir mon poète, tout à l’heure… Oui, j’ai un préféré ici… et justement il est poète !… Comme c’est drôle, pas ?… Ah ! mais, c’est un grand poète, tu sais !… Il a fait une satire admirable contre un prince qui avait volé le trésor… Et il déteste les Anglais… Il y a deux ans, un soir, on l’avait amené chez moi… Il chantait des choses délicieuses… Mais c’est dans la satire surtout qu’il était merveilleux… Tu vas le voir. C’est le plus beau… À moins qu’il ne soit mort déjà !… Dame ! avec ce régime, il n’y aurait rien d’étonnant… Ce qui me fait de la peine, surtout, c’est qu’il ne me reconnaît plus… Je lui parle… je lui chante ses poèmes… Et il ne les reconnaît pas non plus… C’est horrible, vraiment, pas ?… Bah ! c’est drôle aussi, après tout…

Elle essayait d’être gaie… Mais sa gaieté sonnait faux… son visage était grave… Ses