Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/192

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mentaire d’un ministre !… Les fleurs affichant des opinions politiques, servant à diffuser les propagandes électorales !… À quelles aberrations, à quelles déchéances intellectuelles peuvent bien correspondre de pareils blasphèmes, et de tels attentats à la divinité des choses ? S’il était possible qu’un être assez dénué d’âme éprouvât de la haine pour les fleurs, les jardiniers européens et, en particulier, les jardiniers français, eussent justifié ce paradoxe, inconcevablement sacrilège !…

Parfaits artistes et poètes ingénus, les Chinois ont pieusement conservé l’amour et le culte dévot des fleurs : l’une des très rares, des plus lointaines traditions qui aient survécu à leur décadence. Et, comme il faut bien distinguer les fleurs l’une de l’autre, ils leur ont attribué des analogies gracieuses, des images de rêve, des noms de pureté ou de volupté qui perpétuent et harmonisent dans notre esprit les sensations de charme doux ou de violente ivresse qu’elles nous apportent… C’est ainsi que telles pivoines, leurs fleurs préférées, les Chinois les saluent, selon leur forme et leur couleur, de ces noms délicieux, qui sont, chacun, tout un poème et tout un