Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/238

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voulu !… Je leur apportais là, vous le sentez, quelque chose d’infiniment glorieux… quelque chose d’unique, en son genre, et capable d’enflammer l’inspiration de nos plus grands artistes… Ils n’en ont pas voulu… Ils ne veulent plus rien… plus rien !… Le retour à la tradition classique les effraie… Sans compter aussi toutes sortes d’interventions morales, bien pénibles à constater… l’intrigue, la concussion, la vénalité concurrente… le mépris du juste… l’horreur du beau… est-ce que je sais ?… Vous pensez du moins, je suis sûr, que, pour un tel service, ils m’ont élevé au mandarinat ? Ah bien oui !… Rien, milady… je n’ai rien eu… Ce sont là des symptômes caractéristiques de notre déchéance… Ah ! nous sommes un peuple fini, un peuple mort !… Les Japonais peuvent venir… nous ne sommes plus capables de leur résister… Adieu la Chine !…

Il se tut.

Le soleil gagnait l’Ouest, et l’ombre du gibet, se déplaçant avec le soleil, s’allongeait maintenant, sur l’herbe. Les pelouses devenaient d’un vert plus vif ; une sorte de buée rose et or montait de massifs arrosés, et les fleurs s’irradiaient, plus lumineuses,