Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/239

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semblables à de petits astres multicolores, dans le firmament de verdure… Un oiseau, tout jaune, portant dans son bec une longue brindille de coton, réintégra son nid, caché au fond des feuillages qui garnissaient le fût de la colonne de supplice, au pied de laquelle était assis le tourmenteur.

Celui-ci, maintenant, rêvait, avec un visage plus placide et des grimaces apaisées, où la mélancolie remplaçait la cruauté…

— C’est comme les fleurs !… murmura-t-il, après un silence…

Un chat noir qui sortait des massifs vint, l’échine arquée et la queue battante, se frotter en ronronnant contre lui… Il le caressa doucement. Puis le chat, ayant aperçu un scarabée, s’allongea derrière une touffe d’herbe et, l’oreille aux écoutes, les prunelles ardentes, il se mit à suivre, dans l’air, le vol capricieux de l’insecte. Le bourreau, dont cette arrivée avait interrompu les plaintes patriotiques, hocha la tête et reprit :

— C’est comme les fleurs !… Nous avons aussi perdu le sens des fleurs, car tout se tient… Nous ne savons plus ce que c’est que les fleurs… Croiriez-vous qu’on nous en