Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/250

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flot de larmes jaillit de mes yeux… Je n’aurais pas pu dire la raison de ces larmes qui n’étaient pas très douloureuses, où j’éprouvais, au contraire, comme un soulagement, une détente… Et Clara s’y trompa, en se les attribuant. Ce n’était pas sur elle que je pleurais, ni sur son péché, ni sur la pitié que m’inspirait sa pauvre âme malade, ni sur l’évocation qu’elle venait de faire de sa mort… C’était, peut-être, sur moi seul que je pleurais, sur ma présence dans ce jardin, sur cet amour maudit où je sentais que tout ce qu’il y avait en moi, maintenant, d’élans généreux, de désirs hautains, d’ambitions nobles, se profanait au souffle impur de ces baisers dont j’avais honte, dont j’avais soif aussi ?… Eh bien, non !… Et pourquoi me mentir à moi-même ?… Larmes toutes physiques… larmes de faiblesse, de fatigue et de fièvre, larmes d’énervement devant des spectacles trop durs pour ma sensibilité déprimée, devant des odeurs trop fortes pour mon odorat, devant les continuelles sautes, de l’impuissance à l’exaspération, de mes désirs charnels… larmes de femme… larmes de rien !…

Certaine que c’était d’elle, d’elle morte…