Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/277

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Vous êtes insupportable… vous me rendez triste… Vous me rendez bête… C’est odieux !… Et voilà une journée perdue, que je m’étais promise si exaltante, avec toi !…

Son bavardage, sa voix m’irritaient. Depuis quelques instants, je ne voyais même plus sa beauté. Ses yeux, ses lèvres, sa nuque, ses lourds cheveux d’or, et jusqu’aux ardeurs de son désir, et jusqu’aux luxures de son péché, tout, en elle, me semblait hideux, maintenant. Et de son corsage entr’ouvert, de la nudité rose de sa poitrine où, tant de fois, j’avais respiré, j’avais bu, j’avais mordu l’ivresse de si grisants parfums, montait l’exhalaison d’une chair putréfiée, de ce petit tas de chair putréfiée, qu’était son âme… Plusieurs fois, j’avais été tenté de l’interrompre par un violent outrage… de lui fermer la bouche avec mes poings… de lui tordre la nuque… Je sentais se lever en moi, contre cette femme, une haine si sauvage que, lui saisissant le bras, rudement, je criai, d’une voix égarée :

— Taisez-vous !… Ah ! taisez-vous !… ne me parlez plus jamais, jamais !… Car, j’ai envie de vous tuer, démon !… je devrais vous