Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/285

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écorchée se contractait en mouvements tétaniques… Tout d’un coup, l’un d’eux, à bout d’épuisement, lâcha les liens, poussa une petite plainte rauque, et, portant les bras en avant, il tomba près du cadavre, la face contre le sol, en rejetant, par la bouche, un flot de sang noir.

— Debout !… lâche !… debout, chien !… cria encore le surveillant.

À quatre reprises, le fouet siffla et claqua sur le dos de l’homme… Les faisans perchés sur les tiges fleuries s’envolèrent avec un grand bruit d’ailes. J’entendis derrière nous les rumeurs affolées des paons… Mais l’homme ne se releva pas… Il ne bougeait plus et la tache de sang s’élargissait sur le sable… L’homme était mort !…

Alors, j’entraînai Clara dont les petits doigts m’entraient dans la peau… Je me sentais très pâle, et je marchais, et je trébuchais comme un ivrogne…

— C’est trop !… c’est trop !… ne cessais-je de répéter.

Et Clara, qui me suivait docilement, répétait aussi :

— Ah ! tu vois, mon chéri !… je savais bien, moi !… t’avais-je menti ?