Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imprévu, il était sympathique à tout le monde. Aussi son élévation rapide ne surprit, n’indigna personne. Elle fut, au contraire, accueillie avec faveur des différents partis politiques, car Eugène ne passait pas pour un sectaire farouche, ne décourageait aucune espérance, aucune ambition, et l’on n’ignorait pas que, l’occasion venue, il était possible de s’entendre avec lui. Le tout était d’y mettre le prix.

Tel était l’homme, tel « le charmant garçon », en qui reposaient mes derniers espoirs, et qui tenait réellement ma vie et ma mort entre ses mains.


On remarquera que, dans ce croquis à peine esquissé de mon ami, je me suis modestement effacé, quoique j’aie collaboré puissamment et par des moyens souvent curieux, à sa fortune. J’aurais bien des histoires à raconter qui ne sont pas, on peut le croire, des plus édifiantes. À quoi bon une confession complète, puisque toutes mes turpitudes, on les devine sans que j’aie à les étaler davantage ? Et puis, mon rôle, auprès de ce hardi et prudent coquin, fut toujours — je ne dis pas insignifiant, oh non !… ni