Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne s’arrache les cheveux avec ses ongles.

Je pensai qu’elle pouvait m’entendre, et que de me savoir là, près d’elle, la crise qu’avait annoncée Ki-Paï en serait adoucie… Je murmurai à son oreille, en essayant de mettre dans mes paroles toutes les caresses de ma voix, toutes les tendresses de mon cœur et aussi, toutes les pitiés — ah ! oui — toutes les pitiés qui sont sur la terre…

— Clara ! Clara… c’est moi… Regarde-moi… écoute-moi…

Mais Ki-Paï me ferma la bouche.

— Taisez-vous donc !… fit-elle, impérieuse… Comment voulez-vous qu’elle nous entende ?… Elle est encore avec les mauvais génies…

Alors, Clara commença de se débattre. Tous ses muscles se bandèrent, effroyablement soulevés et contractés… ses articulations craquèrent, comme les jointures d’un bateau désemparé dans la tempête… Une expression de souffrance horrible, d’autant plus horrible, qu’elle était silencieuse, envahit sa face crispée et pareille à la face des suppliciés, sous la cloche du jardin. De ses yeux, entre les paupières mi-fermées et battantes, on ne voyait plus qu’un mince trait blan-