Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/68

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— Non…

— Et… ?

Je mis, dans cette conjonction, tout un ordre d’interrogations intimes et même égrillardes…

Le capitaine sourit.

— Ça… je ne sais pas… je ne crois pas… Je ne me suis jamais aperçu de rien… ici.

Telle fut la réponse du brave marin, qui me sembla, au contraire, en savoir beaucoup plus qu’il ne voulait en dire… Je n’insistai pas, mais je me dis, à part moi, elliptique et familier : « Toi, ma petite… parfaitement !… »

Les premiers passagers avec qui je me liai furent deux Chinois de l’Ambassade de Londres et un gentilhomme normand qui se rendait au Tonkin. Celui-ci voulut bien, tout de suite, me confier ses affaires… C’était un chasseur passionné.

— Je fuis la France, me déclara-t-il… je la fuis, chaque fois que je le peux… Depuis que nous sommes en république, la France est un pays perdu… Il y a trop de braconniers, et ils sont les maîtres… Figurez-vous que je ne puis plus avoir de gibier chez moi !… Les braconniers me le tuent et les