Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/70

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ment ce départ… alors, il descend à terre et mange les excréments du tigre… C’est à ce moment précis qu’on doit le surprendre…

Et, de ses deux bras tendus en ligne de fusil, il fit le geste de viser un paon imaginaire :

— Ah ! quels paons !… Vous n’en avez pas la moindre idée… Car ce que vous prenez, dans nos volières et dans nos jardins, pour des paons, ce ne sont même pas des dindons… Ce n’est rien… Mon cher monsieur, j’ai tué de tout… j’ai même tué des hommes… Eh bien !… jamais un coup de fusil ne me procura une émotion aussi vive que ceux que je tirai sur les paons… Les paons… monsieur, comment vous dire ?… c’est magnifique à tuer !…

Puis, après un silence, il conclut :

— Voyager, tout est là !… En voyageant on voit des choses extraordinaires et qui font réfléchir…

— Sans doute, approuvai-je… Mais il faut être, comme vous, un grand observateur…

— C’est vrai !… j’ai beaucoup observé… se rengorgea le brave gentilhomme… Eh bien, de tous les pays que j’ai parcourus — le Japon, la Chine, Madagascar, Haïti et une