Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/9

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plus ignorant que moi et d’une canaillerie plus notoire.

Constatons en passant qu’une canaillerie bien étalée, à l’époque où nous sommes, tient lieu de toutes les qualités et que plus un homme est infâme, plus on est disposé à lui reconnaître de force intellectuelle et de valeur morale.

Mon adversaire, qui est aujourd’hui une des illustrations les moins discutables de la politique, avait volé en maintes circonstances de sa vie. Et sa supériorité lui venait de ce que, loin de s’en cacher, il s’en vantait avec le plus révoltant cynisme.

— J’ai volé… j’ai volé… clamait-il par les rues des villages, sur les places publiques des villes, le long des routes, dans les champs…

— J’ai volé… j’ai volé… publiait-il en ses professions de foi, affiches murales et confidentielles circulaires…

Et, dans les cabarets, juchés sur des tonneaux, ses agents, tout barbouillés de vin et congestionnés d’alcool, répétaient, trompettaient ces mots magiques :

— Il a volé… il a volé…

Émerveillées, les laborieuses populations