Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/104

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vailler pour vous, monsieur Lanlaire… Vous savez ce que c’est que le travail, vous…

Monsieur arrêta ces effusions…

— Et j’irai vous payer ça… voyons… nous sommes mardi… j’irai vous payer ça… dimanche ?… Ça vous va-t-il ?… Et, par la même occasion, ma foi, je prendrai mon fusil… C’est entendu ?…

Les lueurs de reconnaissance qui brillaient dans les yeux du père Pantois s’éteignirent… Il était gêné, troublé, ne mangeait plus…

— C’est que… fit-il timidement… enfin, si vous pouviez vous acquitter à’nuit ?… Ça m’obligerait ben, monsieur Lanlaire… Vingt-deux francs, seulement… Faites excuse…

— Vous plaisantez, père Pantois !… répliqua Monsieur, avec une superbe assurance… Certainement, je vais vous payer ça, tout de suite… Ah, nom de Dieu !… Ce que j’en disais, moi… c’était pour aller faire un petit tour, par chez vous…

Il fouilla dans les poches de son pantalon, tâta celles de son veston et de son gilet, et simulant la surprise, il s’écria :

— Allons, bon !… Voilà encore que je n’ai pas de monnaie… Je n’ai que des sacrés billets de mille francs…

Dans un rire forcé et vraiment sinistre, il demanda :

— Je parie que vous n’avez pas de monnaie de mille francs, mon père Pantois ?