Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/123

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Je trouve déjà qu’il aime trop ses fleurs…

Elle ajouta, après un court silence :

— Par exemple, il ne vous pardonnera jamais ça… C’est un homme qu’il ne faut pas défier… Dame… un ancien militaire !…

Puis, quelques pas plus loin :

— Faites attention, ma petite… On commence à jaser sur vous dans le pays. Il paraît qu’on vous a vue, l’autre jour, dans le jardin, avec M. Lanlaire… C’est bien imprudent, croyez-moi… Il vous enguirlandera, si ce n’est déjà fait… Enfin, faites attention. Avec cet homme-là, rappelez-vous… Du premier coup… pan !… un enfant…

Et comme elle refermait sur moi la barrière :

— Allons… au revoir !… Il faut, maintenant, que j’aille faire ma gibelotte…

Toute la journée, j’ai revu le cadavre du pauvre petit furet, là-bas, sur le sable de l’allée…


Ce soir, au dîner, en servant le dessert, Madame m’a dit très sévèrement :

— Si vous aimez les pruneaux, vous n’avez qu’à m’en demander… je verrai si je dois vous en donner… mais je vous défends d’en prendre…

J’ai répondu :

— Je ne suis pas une voleuse, Madame, et je n’aime pas les pruneaux…

Madame a insisté :

— Je vous dis que vous avez pris des pruneaux…