Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/152

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tible douanier, et, s’approchant de lui de façon à l’hypnotiser de son haleine et de ses parfums, elle supplia tout bas :

— Éloignez ces gens, je vous en prie… Et j’ouvrirai l’écrin…

Le gabelou crut, sans doute, que Madame lui tendait un piège. Il hocha sa vieille tête obstinée et méfiante :

— En voilà assez, des manières… Tout ça, c’est de la frime… Ouvrez l’écrin…

Alors, confuse, rougissante, mais résignée, Madame prit dans son porte-monnaie une toute petite, une toute mignonne clé d’or, et, tâchant à ce que le contenu en demeurât invisible à la foule, elle ouvrit l’écrin de velours rouge, que le douanier lui présentait, solidement tenu dans ses mains. Au même instant, le douanier fit un bond en arrière, effaré, comme s’il avait eu peur d’être mordu par une bête venimeuse.

— Nom de Dieu !… jura-t-il.

Puis, le premier moment de stupéfaction passé, il cria avec un mouvement du nez, rigolo :

— Fallait le dire que vous étiez veuve !

Et il referma l’écrin, pas assez vite toutefois, pour que les rires, les chuchotements, les paroles désobligeantes, et même les indignations qui éclatèrent dans la foule, ne vinssent démontrer à Madame que « ses bijoux » n’avaient été parfaitement aperçus des voyageurs…

Madame fut gênée… Pourtant, je dois recon-