Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/153

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naître qu’elle montra une certaine crânerie, en cette circonstance plutôt difficile… Ah ! vrai ! elle ne manquait pas d’effronterie… Elle m’aida à remettre de l’ordre dans la malle bouleversée. Et nous quittâmes la salle, sous les sifflets, sous les rires insultants de l’assistance.

Je l’accompagnai jusqu’à son wagon, portant le sac où elle avait remisé l’écrin fameux… Un moment, sur le quai, elle s’arrêta, et avec une impudence tranquille, elle me dit :

— Dieu que j’ai été bête !… J’aurais dû déclarer que l’écrin vous appartenait.

Avec la même impudence, je répondis :

— Je remercie beaucoup Madame. Madame est très bonne pour moi… Mais moi, je préfère me servir de ces « bijoux-là »… au naturel.

— Taisez-vous !… fit Madame, sans fâcherie… Vous êtes une petite sotte…

Et elle alla retrouver, dans le wagon, Coco qui ne se doutait de rien…


Du reste, Madame n’avait pas de chance. Soit effronterie, soit manque d’ordre, il lui arrivait souvent des histoires pareilles ou analogues. J’en aurais quelques-unes à raconter qui, sous ce rapport, sont des plus édifiantes… Mais il y a un moment où le dégoût l’emporte, où la fatigue vous vient de patauger sans cesse dans de la saleté… Et puis, je crois que j’en ai dit assez sur cette maison, qui fut pour moi le plus complet